mardi 9 juillet 2024

Moche sans Gavroche




Entends-tu ce bruit, c’est le silence,

entends-tu la nuit, c’est ma souffrance,

les larmes coulent sur les tuiles de mon toit

et la pluie tombe sur une photo de toi.

 

Froides et insensibles, les étoiles gardent leur distance,

il n’y a jamais eu de magie, ici s’érige l’abstinence,

les souvenirs dans mon coeur sont des fleuves asséchés

qui coulent dans mes veines pour mieux m'assoiffer.

 

On me l’a dit quand j’étais petit, seulement une fois,

on me l’a dit aussi plus tard, trop de fois,

jeune j'étais pourtant sympa, joyeux et pas trop cloche,

je me prenais pour Gavroche sans savoir, misère, que j’étais moche.

 

J’ai grandi avec une grand-mère qui déifiait le beau,

Gainsbourg ? Hum, elle ne l’a jamais eu en photo.

Mais pour elle, j'étais le plus beau, le plus grand,

hum, la seule à le croire sur tout le continent.

 

Dans une vie normale, pas loin des bancs de l’école,

il y a toujours une fille, une icône, une idole.

La mienne s’appelait Vanessa, purée, qu'elle était jolie !

Mais dès le premier regard, misère, c’était déjà fini.

 

Moi je lui aurais tout offert, mon sac de billes, mon sandwich au gruyère !

Et si ça ne suffisait pas, je lui aurais donner la terre entière !

Mais pour elle je n’étais pas Gavroche,

pour elle j’étais juste, un enfant moche.

 

Depuis ce jour, j’ai traversé un demi-siècle

à la rame, à la pagaie, avec une faucille,

des Vanessa, il y en a eu des centaines,

moi je voguais sur les paquebots de la peine.

 

Mon cœur est comme la tombe du soldat inconnu,

on passe devant puis on ne revient plus,

j'avais la sensation que dans ma vie rien n'était normal,

je me sentais comme un prisonnier de la Seconde Guerre mondiale.

 

Ma famille n’a jamais compris mes douleurs et mes souffrances

elle ne comprenait pas qu’entre le beau et le laid, il y a toute une différence,

personne ne comprenait mes voyages sur les paquebots de la peine,

ni pourquoi ma vie ressemblait à une mauvaise mise en scène.  

 

Heureusement j’ai connu quelques éclaircies

j’ai cueilli quelques fleurs dans le printemps de quelques nuits.

mais si toutes les fleurs de mon jardin ont fané,

c’est que mon cœur avait bien trop souvent voyagé.

 

Alors je respire sous les larmes de mon toit,

je regarde cette photo et je repense à toi,

tu étais ma dernière chance d’arriver à destination,

mais il faut croire qu’être moche, c'est une malédiction. 

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